Poésies de Marie Bataille
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  1. Incertitude
  2. Délivrance
  3. Toi
  4. Dédicace
  5. J'ai rencontré
  6. Mirage
  7. Saha
  8. Pacha
  9. Espaces
  10. Renée
  11. Temps enfuis
  12. Ishtar

    Incertitude

Teinte voilée d'opaque blême
Où se meut l'indéfinissable
Je regarde plus loin
Au-delà de tes yeux
Où je crois reconnaître
L'embryon d'un aveu

Absolu de l'incertitude
Paix de la nuit profonde
Qui se cache
Je m'incorpore à la présence
De l'espoir
De l'espoir qui me broie

Désespérance atroce de l'attente
Comme un cœur nu qui bat
Comme un oiseau transi
J'accomplis tous les rites
De l'enfer cotonneux
Où tu m'as encerclée

Tout s'évapore entre mes doigts
A peine effleurer le temps
A le sentir vide et absent
Que les croyances sont austères
Apre le goût du passé

Le passé est un sortilège
Et l'avenir n'existe pas.

                    Délivrance

Je noie mes mouvements dans la douceur de tes yeux purs
Et je veux être deux par toi multipliée.
Toi dont je crie le nom jusqu'à la déchirure
Toi qui m'as fait l'amour au berceau de mes rêves.

J'ai tout jeté par-dessus les années
Tout oublié quand tu m'as enlacée
Le soleil était chaud et ton corps m'a brûlée
Brûlée comme un encens qui meurt en embaumant.

Comme une vague sous la caresse des nuages
Je sens glisser le bruit des feuilles sur mon cou
Et mon corps tout entier s'enlise dans tes bras
Et j'écoute la vague me caresser le ventre.

Je m'électrise sous tes doigts
Pour éclater plus loin, bien plus haut, bien plus fort
Ce temps si long à pas comptés où tu ne me dis rien
Temps qui ne compte plus tant il est là, présent
Et toi, présent, en moi.

                    Toi

Si je mettais ton nom à la cime des arbres
Sur chaque feuille, chaque étoile,
Dans le creux de ma main
Ce serait un fruit d'or,
La nature qui s'offre en pleine floraison.
Mais si je le criais
Ce serait un orage.
Je dis ton nom en moi
En sentant des parfums
Qui le disent tout haut.

Cœur en croix, eau fuyante,
Tu tisses autour de moi un rideau de silence.
Je dévide un à un les fils ténus
De ta présence
Et autour de ta vie
Je bâtis le mur dur,
Je bâtis le mur haut
Où vit ma déraison.

Si je mettais mon cœur
Aux pieds de ma décence
Sur l'herbe de l'amour,
Lit vert, tendre calice,
Ce serait l'absolu,
Ton nom, puis le silence.

                    Dédicace

Je ferai de ta vie par ma voix un miracle
En créant la forêt de ton âme secrète
Timide ombrée de bleu la clairière s'y cache
Amère est sa douceur acide son parfum
Instant muet où l'immortalité s'endort
Mon chemin se découpe en mille déchirures
Et je me suis perdue en croyant te trouver.

J'ai rencontré

A la croisée des chemins
J'ai rencontré l'oubli
A la croisée du destin
J'ai rencontré la vie

Elle s'est infiltrée
Vibrante sous ma peau
A fleur de peau
Distillant vaguement
L'eau sombre et grave
D'un regard incertain

Source infinie d'imprécision
J'apprivoise mon cœur au tien
Si ce n'était qu'une illusion
J'aurai fait un faux pas pour rien.

           Mirage

Silence ô silence des mots !
Mes sens se livrent aux mirages
Je fais l'amour à ton image
Là où la lune joue dans l'eau

C'est le soir où se déshabille
La lune dans un reflet d'eau
Soir d'un été humide et chaud
Où l'huître sort de sa coquille
Je me multiplie en fantômes
Rêve oublié et désir d'ombre
Eclosent en moi. Je dénombre
Les fleurs de péché en atomes

Sur ton image je me couche
Dans l'eau pleurante qui palpite
Dans le creux du rocher qu'abrite
Le serpent d'eau aux mille bouches

La brise souffle sur mes seins
Baiser de feu incandescent
La flamme me lèche et descend
Brûler encor au creux des reins
Je crépite, me déracine
Je veux oublier qui je suis
Ce que tu es, qu'il est minuit
Que ma blessure me lancine

Les algues caressent mon ventre
Comme des langues érotiques
Apres orgasmes extatiques
Inassouvie je me décentre
J'ai cru l'amour à ton image
Là où la lune joue dans l'eau
J'ai fait l'amour à ton image
Là où la lune meurt dans l'eau.

                    Saha

Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux…

Charles Baudelaire.


Saha ma lumineuse aux yeux paillettes d'or,
Brillantes émeraudes où pétillent des flammes.
Saha aux yeux d'étoiles glissant parmi les astres
Glacés et solitaires.

Ma Saha ondulant entre les hautes herbes.
Ma Saha vif argent, ma Diane, ma Lilith,
Saha ma douce, ma cruelle
Au regard cerclé noir que barre ta pupille
Hérissée comme un i, quand tu fixes ta proie.

Saha ma sauvageonne
Qui se love en murmure languide et long et doux,
Ouvrant tout grand les yeux pour boire mon regard,
Qui ronronne d'amour et qui, ravie, repue,
Réconfortée… s'endort.

                    Pacha

Pacha, mon chat soyeux, souple corps long et doux,
Mon chat grisé dans l'ombre et dans la cendre.

Pacha qui me regarde
De ses grands yeux, démesurément verts.
Regard insaisissable que mêlent l'or et l'ambre.

Pacha qui me supplie, Pacha qui s'alanguit.
Mon chat énigmatique.
Pacha qui me dit oui, Pacha qui me dit non.

Mon Pacha languissant mollement qui s'allonge :
Ombre d'une pensée, ombre du temps qui passe,
Rêves de l'immanence et rêves de l'absence.

Pacha, mon roi, absolument présent,
Pacha tout à la fois si proche et si absent,
Sur la marge des songes et, soudain, condescend
A livrer nu son cœur,
Qui me demande, abrupt, la caresse insensée.

Pacha, mon chat d'amour, amoureux indécent
Qui me donne son ventre et mendie mes baisers.

Mais Pacha, mon beau chat, que j'aime tes licences !

               Espaces

Or, j'ai plongé mes yeux dans l'infini
Où se mêlaient, d'or et de glace,
Des galaxies.
J'ai parcouru l'espace
Egarée dans la nuit
De ton regard immense où l'éclair fuse et luit.
Alors, dans ce regard, noyée depuis longtemps, je me mis à rêver…
Séraphique devin régnant sur toutes choses,
Ô toi qui sais… toi qui connais nos destinées,
Qui contemples si loin, qui me captes et m'hypnoses
Dis-moi, à moi qui ne sais rien…
Mais tu te tais sage gardien.
Moi, longtemps ivre de ta crinière, je me suis perdue de baisers ;
Longtemps, j'ai respiré l'herbe haute coupée,
La narine enfouie dans ta toison moirée ;
J'ai humé tes âcres parfums où s'endormait l'odeur des roses
Quand l'aube s'éveillait sereine…
Comme on voit, dans les songes, les reines.
Longtemps, j'ai cherché le miracle :
Attentive à ta voix,
Comme on cherche dans les oracles
Un chemin, un destin, une voie…
Mais, tout autour de toi, tu tisses le silence
Du temps, du vent, des chansons oubliées d'antan.
Devant moi je te vois, serein, t'amuser de ma déraison
Et broder ce silence immense par-delà les mois, les saisons,
Qui me tient coite. Et moi, j'attends
Qu'approche enfin ma délivrance…
Toi, tu t'allonges et me regardes,
Toi que rien n'altère jamais,
Toi, toujours calme et toujours vrai,
Toi, le sphinx muet qui me gardes.
Quand bien haut tu lèves la tête, grave, attentif, silencieux,
J'imagine que les étoiles, captées et ramenées des cieux
Viennent te dire leurs secrets.
Mais toi, tu contemples, muet,
Leurs valses lentes en reflets, noyées dans ton air mystérieux.
Et, ouvrant sur moi tes grands yeux qui emprisonnent la lumière
Tu me dis être un roi ou un dieu.
Auréole dans ma misère
Mon cercle nu, mon tendre aimant
Qui me fait tournoyer dans sa sphère,
Mon beau chat, pur, comme un diamant.

         Renée

Renée au visage d'été
Renée mon amie longue et brune
Mon Pierrot rêveur sous la lune
Au cœur des pays enchantés
En toi est l'ombre et le silence
De ceux qui distillent la paix
Par toi n'est plus notre souffrance
S'éloignent nos pleurs et nos plaies
Amie qui soigne les misères
Toi qui sais d'un mot apaiser
Les êtres par la vie lésés
Toi ma belle âme missionnaire
Renée ma belle amie ma douce
Mon amie de toutes aimée
Du parfum des fleurs embaumée
Mon parfum de menthe et de mousse.

Temps enfuis

Je sonde le creuset
Où se fonde l'absence
Le silence muet
Qui se meurt dans l'errance.
Je vois des fruits éclos
Qui retombent sans bruit
Comme font les grands flots
Silencieux dans la nuit.
Et je demeure là
Mesurant la misère
D'un temps déjà si las
Des haines entre frères.

                          Ishtar

Assouvis ta chair de mon sang, ô Déesse des crépuscules,
fille et sœur d’Inanna, sœur de Tammouz et son épouse,
toi qui pleures la mort de l’herbe,
Assouvis ton corps de mon sang, Ishtar la Consacrée,
Etoile d’aube victimaire,
Bois mon sang pour abreuver les sept années fertiles,
arrose de ma vie les sources végétales
Ô prostitution propitiatoire des jeunes filles et des garçons
sur ta couche nuptiale,
Ô mort des sept époux qui fertilise l’herbe !
Je t’ai vue aux Enfers dépouillée aux sept Portes, ma Terre
d’hostilité et je t’ai appelée " Dame de la montagne ",
dans le granit du règne des vivants, Ishtar !
Je t’ai vue et j’ai dit  : " La voilà ! la voilà Celle qui s’avance
pour mordre dans la chair de l’Amant "
et j’ai baissé le front pour baiser ton flanc nu.
Bois mon sang, ô ma Déesse-Terre, ô fille d’Inanna,
car tu as bu celui des hiérophantes et celui de Marduk, celui de
Gilgamesh, le sang de ceux que tu couchas dans tes grands ossuaires,
Bois mon sang, ma Louve au cent prunelles, car j’ai
mesuré le jugement des hommes devant celui que tu
appelais Mot, psychopompe du monde des morts.

Nourris-toi de mon sang au jour promis des libations !

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